Ce que ressent une victime de violences conjugales : écouter pour mieux accompagner

Les violences conjugales ne laissent pas uniquement des traces physiques. Elles marquent l’âme, effritent l’identité, et plongent la personne dans un état de confusion, d’isolement et d’hypervigilance. Derrière chaque silence, chaque repli ou chaque tentative de départ, il y a des besoins non exprimés, souvent incompris. Pour accompagner efficacement les victimes, il est essentiel de comprendre ce qu’elles vivent intérieurement.

Un phénomène massif et silencieux

  • En France, 1 femme sur 10 est victime de violences conjugales (Ministère de l’Intérieur, 2023)
  • En 2022, 118 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint
  • Moins de 20% des victimes osent porter plainte
  • La durée moyenne pour quitter un conjoint violent est de 6 à 7 tentatives (source : Fédération Nationale Solidarité Femmes)

Des besoins invisibles, mais cruciaux

Les recherches en psychologie du trauma (notamment celles de Judith L. Herman et Lenore Walker) mettent en évidence plusieurs besoins fondamentaux chez les victimes de violences conjugales :

1. Besoin de sécurité (physique et psychologique)

Quitter une relation violente n’est pas un simple choix rationnel. C’est une prise de risque vitale. La peur des représailles, des enfants, de la précarité ou du regard social bloque l’action. 👉 Ce que la victime attend : un espace neutre, protégé, sans jugement.

2. Besoin de reconnaissance et de validation

Beaucoup de victimes disent avoir entendu : “Tu exagères”, “Tu l’as peut-être cherché”, “C’est pas si grave”. Cette minimisation réactive le traumatisme. 👉 Ce qu’elle attend : qu’on croie son récit, sans l’interrompre, sans l’interpréter.

3. Besoin de lien et de soutien émotionnel

L’agresseur a souvent isolé la victime de ses proches. La honte, la culpabilité ou la peur d’être un fardeau l’empêchent de demander de l’aide. 👉 Ce qu’elle attend : un lien humain stable, régulier, qui ne lâche pas.

4. Besoin de compréhension de son propre état

Le traumatisme engendre de l’amnésie, des troubles cognitifs, un état dissociatif. Beaucoup ne comprennent pas pourquoi elles « restent » ou « retournent ». 👉 Ce qu’elle attend : une explication éclairée de ses propres mécanismes (emprise, stress post-traumatique, sidération…).

5. Besoin de temps et de non-injonction

Dire « quitte-le », « bouge-toi », « pense à tes enfants » peut être contre-productif. 👉 Ce qu’elle attend : de la patience, et un respect de son rythme.

Écoutez l'épisode de l'Étoile du Bonheur.

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🔎 Études et données clés

  • Judith L. Herman, psychiatre spécialisée en trauma, montre que la reconstruction post-violence passe par la sécurité, la mémoire, puis la réappropriation de soi.
  • L’étude de Lenore Walker (The Battered Woman Syndrome) identifie un cycle de la violence et les phases de confusion, paralysie, culpabilité qui en découlent.
  • Une étude canadienne (Health Canada, 2014) révèle que 75% des femmes ayant quitté un conjoint violent souffrent encore de symptômes de stress post-traumatique des années plus tard, faute d’un accompagnement adapté.

💡 Conclusion : mieux comprendre pour mieux agir

Accompagner une victime, ce n’est pas la sauver à tout prix. C’est lui permettre de retrouver son pouvoir d’agir, à son rythme, avec des repères humains et stables.

La meilleure aide n’est pas celle qui pousse, mais celle qui soutient. Écouter, croire, sécuriser, informer… Ce sont des actes simples, mais puissants. Et pour l’entourage, se former, c’est déjà sauver des vies.

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