La Fin du Silence : Immersion dans les vendanges du Médoc
Dans le cadre du projet Victimes – La Fin du Silence, nous avons testé un métier réputé pour ses conditions de travail difficiles : les vendanges. Pendant plusieurs jours, nous avons rejoint une équipe dans le Médoc, sans révéler notre démarche d’observation. Et très vite, nous avons compris pourquoi il valait mieux rester discrets.
Une organisation chaotique dès l’aube
Convocation par SMS à 7h20, sur une place inexistante sur GPS. Les locaux l’appellent « place des vendanges », mais le lieu indiqué sur Google Maps est… à 380 km. Arrivés sur place, pas de transport collectif : chacun se débrouille pour rejoindre les parcelles dans les voitures des vendangeurs.
Équipement minimal : un sécateur et un panier pour les coupeurs, un harnais et une caisse vide (qui peut contenir 30 kg de raisin) pour les porteurs. Pas de gants, pas de protections, pas d’eau potable. Pas un coupeur ne finira sans un pansement à un doigt.
Des chefs oppressifs, une ambiance délétère
Le chef de vendange, G , incarne un management oppressant : racisme, remarques humiliantes, absence totale de respect. La majorité des travailleurs sont Roumains, Bulgares ou Portugais. G ne parle que français, répète sans cesse les consignes, mais préfère râler que s’adapter. Les surnoms sont révélateurs : les vendangeurs sont appelés « petits bras ».
- Les critiques fusent :
- « Les Roumains ne comprennent rien. »
- « Les Portugais travaillent vite mais mal. »
- « Faut vraiment être con pour mettre des feuilles dans un panier. »
Pas d’eau distribuée. Les rares jerrycans sont réservés au nettoyage du matériel, pas aux travailleurs (pour s'en assurer, l'eau dedans est non potable). À 30°C, en plein soleil, c’est une violence silencieuse.
Des conditions proches de l’esclavage moderne
La journée est rythmée par le poids des caisses, les allers-retours interminables et la chaleur écrasante. Pause-café à 10h : une chocolatine et un café, pas de sucre en libre-service. Pause déjeuner à 12h30 : chacun mange son sandwich assis sur le parking, sans ombre, sans repas fourni.
L’après-midi, sous un soleil de plomb, les porteurs enchaînent les caisses de 30 kg. Ceux qui réclament de l’eau sont ignorés ou ridiculisés. Un collègue bulgare de 56 ans, épuisé, se fait rabrouer parce qu’il ose demander une pause.
À 16h, le patron décide de « taper dur » sur une nouvelle parcelle en pente, « parce que c’est là que se joue le sucre pour les bouteilles à 400€ ». Les salariés permanents restent à l’ombre, pendant que les saisonniers ploient sous les rangs.
Un mépris généralisé
À la fin de la journée : pas un merci, pas une félicitation. Seulement un rappel hurlé : « Rendez bien les sécateurs ! » Comme si le plus grand risque était le vol d’outils par des travailleurs exténués…
Le turnover est édifiant : 60 vendangeurs le premier jour, 47 le deuxième, 37 le troisième. Beaucoup abandonnent, brisés par la fatigue et le manque de respect. Le chef justifie ces défections par un cliché : « Les Français préfèrent le RSA. »
Bilan : quand le prestige cache la violence
Les grands crus classés du Médoc affichent fièrement leur expertise et leurs campagnes marketing léchées. Mais derrière les châteaux et les belles photos, la réalité des vendanges ressemble à une forme d’esclavage moderne.
En 2025, ces pratiques ne peuvent plus être tolérées. Les conditions de travail, le respect des saisonniers et la responsabilité sociale doivent être au cœur de la viticulture. Car un vin de prestige ne peut pas reposer sur la sueur et le sang méprisée de ceux qui le récoltent.
La fin du silence, c’est maintenant.
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